Sainte Sabine
La ferme de Sainte Sabine appartenait au Chapitre de Remiremont, ainsi qu'en font foi de vieux documents du début du XVIIIème siècle. Sous la Révolution, en 1792, elle fut vendue comme bien national et c'est un fonctionnaire départemental qui en fit l'acquisition. Le fermier était alors Théodore Guyon. (Léon Schwab : La vente des biens nationaux. 1913)
La chapelle de Sainte Sabine date du XVIIIème siècle, mais elle a été bâtie à l'emplacement d'un ancien oratoire du XIIème siècle, dont il reste peut-être le linteau en grès massif de forme semi-circulaire qui se trouve placé sur la porte nord aujourd'hui murée. Cet oratoire, dont la construction était due à la piété d'une chanoinesse de Remiremont, aurait été restauré au XVIème siècle.
L'aménagement intérieur de la chapelle est sobre, mais ne manque pas de noblesse. La plupart des objets de valeur, notamment la statue de Sainte Sabine datant du XVIIème siècle, sont conservés dans la demeure des propriétaires des lieux. On peut les voir le dernier samedi du mois d'août, lors du traditionnel pèlerinage.
Sainte Sabine était, dit-on, une très jeune moniale du Chapitre de Remiremont. En 917, les hongrois, qui avaient passé les Vosges et ruiné plusieurs abbayes, se présentèrent aux portes de Remiremont. Dans la nuit du 19 au 20 août, les religieuses fuyèrent la ville et traversèrent la Moselle à gué pour se cacher dans la forêt du Fossard. Les hordes barbares, un moment arrêtés à Remiremont par une crue subite de la Moselle, parvinrent bientôt sur l'autre rive et se lancèrent à la poursuite des fuyardes.
Sabine, qui était jeune et fragile, s'égara dans la forêt. Morte de fatigue, de peur et de froid, elle se laissa tomber près d'une source et attendit la mort. C'est à cet endroit que les barbares la rejoignirent. Après lui avoir fait subir d'horribles tourments, un de ces hongrois s'approcha d'elle et lui trancha la tête d'un coup d'épée. Le sang de la jeune fille vint alors troubler l'eau de la source.
La légende veut que l'épée du meurtrier lui ait été arrachée des mains par une force mystérieuse et que le glaive, qui tomba dans le bassin que formait naturellement la source, surnagea. Quant au meurtrier, son corps fut découvert quelques jours plus tard, à moitié dévoré par les loups.
Pierre Heili a réalisé une étude sur l’histoire de Sainte Sabine et de son pèlerinage dans un article paru dans l’ouvrage collectif « La vallée de Cleurie revisitée 150 ans après Xavier Thiriat ». Ses recherches savantes mettent à mal la tradition populaire, mais souligne le rayonnement de ce site pour les populations des environs.
Chaque année, lors du pèlerinage de Sainte Sabine, les jeunes filles ont coutume de jeter une épingle dans l'eau. Si l'épingle surnage, ce sera le mariage dans l'année. Sinon il faudra encore patienter.
A proximité de la chapelle se trouvaient les fermes Thiaville et Géhin. La ferme Thiaville, qui faisait auberge et café, a été habitée jusqu'en 1935. Devenue inoccupée, elle tomba en ruine.
La ferme Géhin, qui a été vendue à la famille Gaillemin, a eu plus de chance, puisqu'elle fut restaurée. Elle demeure la seule habitation de la clairière de Sainte Sabine.
Le site de Sainte Sabine est remarquable par sa chapelle dressée au milieu d'une paisible clairière, par sa source dont le bassin est dominé par une croix de fer, par sa croix de grès dédiée à la sainte patronne de ces lieux. S'y ajoutent une plaque commémorative gravée par le Club Vosgien fixée sur un bloc de pierre et, à l'entrée de la clairière, la croix dressée en action de grâce par la famille Gaillemin après la dernière guerre.
Chaque année, un pèlerinage rassemble, le dernier samedi du mois d'août un grand nombre de personnes autour de la chapelle pour entendre la messe et honorer les reliques de Sainte Sabine. Ensuite, chacun se rend à la source pour satisfaire à la tradition. On dit de l'eau de Sainte Sabine qu'elle guérit les abcès et les ulcères. Mais le dicton populaire vante davantage les effets curatifs de cette eau puisqu'il affirme qu'à Sainte Sabine, tout mal affine.