LE CLOS DE LAMBERTFAING
Sous le Faing Melchon - Commune de Cleurie
Il existe, à la limite des communes de Cleurie et de La Forge, entre les fermes de Lambertfaing et la Fontaine Saint Augustin, une parcelle de bois entourée de hauts murs qui a retenu l'attention des archéologues locaux. Il s'agit du Clos de Lambertfaing, que l'on a aussi dénommé le Xard Mangeolle.
Célestin Méline, qui fut instituteur au Tholy, en a fait la description dans son ouvrage "Les Ancêtres des montagnards vosgiens" qu'il fit publier en 1933, puis rééditer en 1938 sous le titre "Histoire des montagnards vosgiens".
"Le mur, en blocs irréguliers de granit gneissique, parfaitement alignés, qui en forment la clôture inférieure sur une longueur d'environ 150 mètres, a une hauteur moyenne de plus de deux mètres et une largeur à la base de 1,50 à 2 mètres. Vers le milieu de sa longueur, il est coupé par une section verticale à angle droit, non moins bien dressée que les côtés, en face à un rocher de hauteur égale. Un intervalle de 0,50 à O,60 mètres le sépare de ce rocher auquel il paraît avoir été relié par une sorte de rampe étroite qui devait donner accès au sommet du rocher et de là, à l'intérieur de l'enclos."
Ce mur, situé au sud en bas de la parcelle, est toujours visible, mais il a été détérioré. Des engins de débardage l'ont percé à un endroit et, sur une partie de sa longueur, il est recouvert par de la charbonnette en décomposition. Sur sa face intérieure des branches et des débris de toute sorte en ont diminué la hauteur.
Il n'est pas aisé de reconnaître l'aménagement décrit par Méline. Il existe malgré tout, au milieu de la longueur du mur, un amas de pierres, dont il est difficile d'imaginer, sans l'explication donnée par cet auteur, qu'il constituait un dispositif permettant un accès à l'enclos.
"Aux deux extrémités, les murs qui limitent l'enclos à l'est et à l'ouest, remontent la pente du terrain vers le nord jusqu'à un mur transversal presque parallèle au premier. Ces trois dernières parties de la clôture sont construites moins régulièrement que la première."
Le mur Est monte la pente du coteau parallèlement au cours du ruisseau du Faing Melchon.
Dans sa partie inférieure, ce mur est arrêté par un appareillage de pierres, laissant supposer qu'un accès prenant appui sur les rochers avoisinants avait été aménagé à cet endroit.
Dans sa partie supérieure, a été aménagée une niche de la taille d'une porte d'un four ancien. Méline évoque "une sorte de four à ouverture carrée de 50 cm de côté". Il pourrait s'agir d'une ouverture aménagée dans ce mur.
On peut également imaginer, à l'angle formé par ce mur et le mur nord, un poste de garde destiné à la surveillance du vallon situé en contrebas.
Le mur Nord a été arasé dans les décennies passées par les engins de débardage, mais il reste visible.
Le mur Ouest gravit la pente parallèlement à un chemin de débardage, autrement dit une corrue. Dans la partie supérieure de ce mur, se trouve un pierrier de forme semi-circulaire qui domine une porte d'accès à l'enclos. Un autre pierrier est situé un peu plus bas dans ce mur et, comme le premier, il surplombe un autre accès. On peut dès lors imaginer que ces pierriers ont été aménagés, à la manière des tours de défense, pour assurer la sécurité de l'enclos.
Méline s'attarde ensuite à décrire "une allée" autrefois couverte située à l'angle sud-ouest de cet enclos.
"De l'autre côté du chemin, à quelques pas de l'angle sud-ouest de l'enclos, on voit les restes d'une "allée" étroite d'environ six mètres de longueur, entre deux rangées d'énormes blocs à parois verticales. Jusque vers 1905, cette "allée" était encore "couverte" de plusieurs grandes dalles, dont seulement deux sont encore à peu près en place."
Les autres dalles auraient été utilisées en 1933 par les ouvriers d'une carrière voisine.
L'existence de cette allée n'est plus aujourd'hui attestée que par la présence d'un amas de pierres alignées. Ces pierres se trouvent à l'angle sud-ouest de l'enclos, de l'autre côté du chemin de débardage. Les vestiges de l'allée étroite décrite par Méline sont bien visibles et les blocs à parois verticales sont toujours en place. Mais on demeure perplexe sur la destination d'un tel dispositif.
Cette parcelle a été cultivée au XIXème siècle par un nommé Mangeolle et a pris alors le nom de Xard Mangeolle. Méline rattache à ce défrichement la présence d'amas de rocailles à l'intérieur de l'enclos.
Pourtant cet auteur a négligé de prendre en considération l'énorme pierrier situé dans l'enclos dont la présence ne semble pas reliée aux nécessités d'un défrichement. Ce pierrier apparaît fermé dans sa partie supérieure, ainsi que dans sa partie inférieure par un appareillage de pierres. Le mur qui ferme la partie supérieure contient une pierre imposante qui présente, pour celui qui a un peu d'imagination, la forme d'un sanglier.
Doit-on conclure qu'il s'agit du tombeau d'un notable gaulois ou celte ? Je n'irai pas jusque là, mais je pense, malgré tout, que la question mérite d'être posée.
Un autre élément de ce site, négligé par Méline, doit être également relevé, c'est la présence d'une source à l'intérieur de cet enclos. Le clos de Lambertfaing a ainsi pu servir de refuge aux hommes et aux troupeaux pendant les périodes troublées. La présence d'eau a permis de vivre derrière les hauts murs de l'enclos, probablement surmontés de palissades, à l'abri des bandes armées ou des bêtes sauvages.
Il s'agissait peut être simplement de donner un refuge pendant la nuit aux troupeaux qui autrefois parcouraient le coteau à la recherche de pâture. Mais, dans cette hypothèse, il est difficile de justifier l'existence de si hauts murs et la présence de tels aménagements.
A moins que, dans un esprit de conciliation et en tenant compte des préoccupations successives au cours des siècles des habitants de ce coteau, on émette l'idée que des tribus celtes ont mis en place le pierrier central pour vénérer un de leurs chefs et l'ont entouré de murs, puis que, dans les siècles qui ont suivi, cet enclos a été agrandi pour servir de refuge aux hommes et aux troupeaux.
On peut, par exemple, imaginer que des troubles dans les temps anciens ont incité les habitants de la vallée à se protéger des incursions de soldats pillards ou des attaques de loups.